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4 astuces pour écrire, même quand on pense qu’on n’a rien à dire

Soleil jaune pour la bonne humeur, bonhommes patates en colère mais avec tous leurs doigts, gribouillis multicolores, je m’appliquais à « écrire ». À cinq ans j’écrivais des histoires fabuleuses mais personne ne pouvait les déchiffrer. J’avais hâte d’aller au cours préparatoire parce qu’on y apprenait à peindre des arbres avec leur feuillage et qu’à la fin de l’année je saurais lire et écrire. Ma maîtresse était formidable mais c’était plus difficile que prévu, je confondais les p et les q, les d et les b. Je m’entraînais avec le soutien de ma maman mais ce qui me poussait le plus à apprendre c’était cette petite voix : « si tu n’écris pas, tu vas disparaître ». 

Quelques années après j’ai eu un déclic en visitant la grotte du Pech Merle dans le Lot. Je suis restée un long moment devant une main négative rouge qui ornait la paroi et j’ai ressenti que je n’avais plus de raison d’avoir peur de la petite voix, que les premières femmes et les premiers hommes avaient sans doute entendu la même que moi.

Puis dans ma tête se sont invitées d’autres petites voix, celles qui s’opposent au désir d’écrire en me chuchotant « ce que tu as à dire n’intéresse personne », « tu es nulle », « tout a déjà été écrit » « pour qui tu te prends, Françoise Sagan ? » et la plus pénible de toutes pour moi : « tu n’as rien à dire ». Voici les techniques que j’utilise quand cette dernière vient me hanter.

1) Un rendez-vous avec soi

Sur le principe de « tout ce qui n’est pas écrit disparaît », quand j’entame une période d’écriture avec un projet en tête, je note le temps que je veux y consacrer dans mon agenda. À partir de là, je décide que ce rendez-vous d’écriture est non-négociable et je résiste à la pulsion de remettre la séance au lendemain sous prétexte que je ne me sens pas inspirée. La vérité c’est qu’on est rarement inspiré et que pour écrire il faut juste… écrire. D’après moi, c’est en écrivant qu’on découvre ce qu’on a à dire.

Si vous avez un projet d’écriture ou autrement créatif et que vous avez besoin d’un coup de pouce pour vous y mettre je vous recommande le livre de Steven Pressfield « The war of art » (en anglais). Je pense qu’une version française existe sous le titre « Go, agissez ! » mais je ne l’ai pas testée personnellement.

2) Un rituel pour démarrer

J’écris sur un lit ou un canapé, calée contre une pile de coussins et entourée de mes dictionnaires et livres préférés. J’enfile des vêtements amples, je mets un mala autour de mon cou, c’est un collier de méditation qui a été confectionné pour moi par ma professeure de yoga, parfois j’allume une bougie parfumée, parfois j’ai besoin de mettre des bouchons d’oreilles. L’idée est de créer une atmosphère favorable à l’écriture, de m’entourer d’objets qui me stimulent ou m’apaisent, de m’encourager à honorer ce rendez-vous avec moi-même. Je me lance ensuite dans cinq à trente minutes d’écriture manuelle sous forme de journal. Je réponds à ces questions : comment je me sens aujourd’hui ? Qu’est-ce qui me tracasse en ce moment, qu’est-ce qui me touche ? Qu’est-ce qui m’a choquée ? Qu’est-ce que j’ai appris récemment ?  Quelle est l’intention que je rattache à ma séance d’écriture d’aujourd’hui ? Je savoure le plaisir physique de l’écriture, le tracé des lettres, la douceur du papier, son odeur, la joie des ratures et de la conquête de la page blanche. Je note tout ce qui me vient, sans juger. Quand j’ai répondu à ces questions, je relis et je souligne ce qui attire mon attention. Une tournure de phrase, un thème récurrent, c’est un possible point de départ pour une chanson, une idée à conserver et développer plus tard, ce que Thierry et moi appelons une bouture .

3) Les jeux d’écriture, la contrainte au service de la créativité

Si je n’ai pas débloqué de piste d’écriture avec mon rituel du journal, je pioche parmi une liste de jeux que j’ai appris en participant à des ateliers. Je vous encourage à faire des ateliers, on y rencontre des personnes intéressantes et côtoyer leur plume nous fait progresser rapidement. Voici quelques exemples de jeux :

  • L’incipit : je prends la première phrase d’une chanson, d’un poème ou d’un chapitre de roman et j’écris MA suite.
  • Les huit mots au hasard : je pioche huit mots au hasard dans un livre et je m’efforce de les inclure dans un texte. Si je suis très motivée, je m’oblige à les intégrer dans l’ordre de sélection.
  • L’image : je décris une image ou j’invente une histoire à partir d’une photo piochée au hasard dans un livre d’art ou dans la fabuleuse base de données google arts and culture. Attention, je limite le temps passé à choisir mon image sinon je vais y passer la matinée.
  • Le haïku, petit format aux contraintes précises : 3 vers de respectivement 5, 7 et 5 pieds, le dernier vers devant évoquer la nature. Bien sûr l’art du Haïku est plus subtil que ma modeste présentation et  si vous souhaitez vous initier à cette forme poétique pleine de charme, je vous encourage à lire le livre « L’art du Haïku » de Pascale Senk et Vincent Brochard.
  • Les cinq sens : je choisis un objet dans la pièce où je me trouve et je le décris par le prisme de mes cinq sens.  Je tiens ce jeu du livre de Pat Pattison “Writing better lyrics” (en anglais)
  • Le cinéma : je regarde un film en coupant le son et j’imagine les dialogues.

Après le jeu, comme précédemment, je relis et souligne ce qui attire mon attention. Qu’est-ce qui m’amuse, me surprend, me séduit dans ce que j’ai écrit ? J’ai alors des pistes pour commencer une chanson, une poésie ou pourquoi pas un roman, tout est possible à ce stade.

4) Pas un jour sans une ligne, un rituel quotidien

C’est une citation de Pline l’Ancien, en latin «  Nulla dies sine linea ». C’est une des leçons qui m’a le plus marquée dans l’atelier d’écriture que nous avons suivi à l’école de théâtre Jacques Lecoq. Nos professeurs Michel Azama et Susana Lastreto nous ont appris à déployer nos antennes d’auteurs dans le quotidien, à cueillir des expressions, des bouts de conversations ou saisir des images dans ce qui est concrètement à notre portée. Les jours où je n’ai pas réservé de temps pour écrire dans mon agenda, mon objectif de la journée est de cueillir simplement une de ces perles d’inspiration. Imaginez ! Une ligne par jour pendant un an, ça fait 365 lignes sur une année et autant d’idées de chansons à développer. Je prends !

Aimez-vous écrire ? Rêvez-vous d’écrire sans oser vous lancer ? Si oui, j’espère que ces astuces vous aideront à ne pas résister à l’appel de la petite voix dont je ne vous ai pas encore parlé, celle qui vous souffle depuis toujours : “écris”.

Liens et références

Grotte du Pech Merle ici

The war of art de Stéphane Pressfield ici

Go, agissez ! de Stephen Pressfield ici

Banque d’images Google Arts & Culture ici

L’art du haïku ici

Writing better lyrics de Pat Pattison ici

Atelier d’écriture au studio des variétés avec Jérôme Rousseau alias Ignatus ici

Atelier d’écriture de l’école Jacques Lecoq ici

Contraintes d’écriture sur le site de l’Oulipo ici

A lire également

33 Commentaires

  1. Merci pour ces bons conseils Lili. Conseils qui te réussissent, tu écris de si belles chansons ! J’entends la petite voix, et j’écris aussi, sans contrainte, mais il faut avoir le remps de se concentrer sur la page blanche, de trier les mots qui se bousculent dans la tête. Les mots viennent d’abord pour moi, à la vue d’un beau paysage, d’une émotion, un tableau, une photo, un sujet d’actualité qui me bouleverse, la page blanche vient après, comme un support aux pensées.
    J’aime beaucoup les haïkus, qui expriment brièvement l’essentiel d’un instant précis.

  2. Que de très bonnes idées avec la petite voix perchée au creux de mon épaule qui me dit “écris” !
    Merci Lilli et bonne semaine à tous les deux en attendant vendredi 19 heures ! 🎶😊
    Bernadette d’ED

  3. Que de très bonnes idées avec la petite voix perchée au creux de mon épaule qui me dit “écris” ! Merci Lilli et bonne semaine à tous les deux en attendant vendredi 19 heures ! 🎶😊 Bernadette d’ED

  4. Merci Lili ! Super ! J’avais justement envie de trouver un autre atelier d’écriture. J’en avais fait un sensas avec Mathias Billard (Jules et Jo), mais apparemment, il ne remet pas le couvert en ligne.
    J’aime bien aussi utiliser “l’écriture automatique”, technique utilisée par les surréalistes (André Breton entre autres), qui permet, selon eux, de se détacher de l’écriture qui vient par la raison.: on écrit sans réfléchir tous les mots qui viennent. Eh bien, c’est incroyable tout ce qui peut venir…
    A bientôt Lili, et merci pour tous tes bons conseils. Passe une belle journée. <3

  5. Voici deux phrases dont je me souviendrais

    -c’est en écrivant qu’on découvre ce qu’on a à dire.
    -Nulla dies sine linea

    Cet été en passant par le Lot , je m’arrêterais visiter Péch Merle!

    1. Bonjour Hervé, merci pour ce message. Tu ne regretteras pas ta visite à Pech Merle, cette grotte est particulièrement émouvante. À bientôt ! ⭐️⭐️⭐️

  6. Bonjour Lili ! Tes judicieux conseils sont extrêmement bien exposés et détaillés, merci ! Je fais partie des personnes qui, comme toi, ressentent le besoin d’écrire. J’ai beaucoup aimé ta phrase : “pour écrire, il faut juste… écrire”. Eh oui, bien sûr ! Élémentaire ! C’est bien connu, c’est en forgeant que l’on devient forgeron, et ceci s’applique à pas mal d’activités… dont l’écriture. Je pense qu’écrire un journal est un bon moyen de se lancer dans l’écriture. Décrire son quotidien aide aussi à méditer sur ce qui s’est passé dans la journée, sur ce qui est arrivé récemment. Cela présente aussi l’avantage de stimuler la mémoire. Et au détour des mots, des idées surgissent, comme tu le dis si bien ! Et puis, cela donne du poids à une existence, de pouvoir la relire, la revivre à travers les mots que l’on a écrit. C’était ma pensée du jour en te lisant. Merci infiniment pour ton journal, que j’ai grand plaisir à lire tant il est intéressant. Je t’embrasse, Maryan

  7. Bonsoir Lili,
    C’est un vrai travail l’écriture. Mais c’est si bon quand les mots s’allignent les uns après les autres!
    Tous les ans j’écris des contes de Noël à chacun de mes petits enfants. J’en ai dix!
    Encore merci pour ce partage.
    Mapy

  8. “cinéma : je regarde un film en coupant le son et j’imagine les dialogues.”
    Ma petite fille de 4 ans a fait ça le week-end dernier devant un dessin animé avec des chevaux qui ne parlaient pas mais qui interagissaient ! Elle a imaginé en direct leur dialogue. Elle est donc sur la bonne voie ! Elle a déjà beaucoup d’imagination.

  9. J’aime écrire comme j’aime le vin : un amateur. Je suis éternel amoureux de ce que je fais et entreprends. Souvent la méthode manque pour respecter cet art et progresser. Merci Lili de ce partage. Tu m’ouvres une nouvelle piste pour consacrer du Temps à prendre soin pour moi.😉

  10. J’aime écrire comme j’aime le vin : un amateur. Je suis éternel amoureux de ce que je fais et entreprends. Souvent la méthode manque pour respecter cet art et progresser. Merci Lili de ce partage. Tu m’ouvres une nouvelle piste pour consacrer du Temps à prendre soin de moi.😉

  11. Bonjour Lili
    Merci pour ce partage. C est Michel Leiris qui écrivait
    «  attendre d être inspiré pour écrire cela veut dire qu on est un pur esthète: dans ce cas, en effet,l inspiration n est qu un moyen et c est l écriture qui est une fin. Ce qu il faut au contraire, c est écrire pour être inspiré »
    Quand j ai découvert cette phrase dans un livre de Sylvain Tesson ça a été une révélation…. Peu importe notre état d esprit il faut écrire et encore et toujours
    Merci pour tes petits textes que je lis avec bcp de joie
    Michele

  12. Lors de l’écriture de mon premier livre, parut au Canada : “Le chemin des mots”, j’avais commencé de cette manière :
    “Je pars à l’aventure, ignorant où me mèneront les mots que j’écris, ignorant l’histoire qui suivra. A cet instant, je ne sais pas de quoi seront faites les pages suivantes… Celle-ci est déjà une aventure. En effet, j’ai envie d’écrire mais, écrire quoi ? J’avoue que je n’en sais rien encore!”
    J’habitais sur un voilier à cette époque et c’était suite à un accident…
    Et merci Lili pour toutes ces idées !
    Roland

    1. Bonjour Roland, c’est exactement ça ! Très jolie ouverture, très juste 😊. C’est toi qui as écrit le roman Lèa ?

  13. Merci Lili. L’un comme l’autre vous savez écrire. Il suffit de lire vos textes et la musique vient toute seule. Il y a quelques années j’ai essayé d’écrire un roman. J’ai rempli un gros cahier. Mais ce cahier se trouve dans un coin au fond de ma cave. J’aurai pu avoir le prix qu’on courre. Mais les soucis ont pris le dessus et l’imagination s’en est allée. Peut-être un jour ? Mais il y a tellement de grands auteurs. Bises à toi.

    1. Bonjour Daniel, écrire pour soi c’est déjà super ! Tu n’as pas oublié le gros cahier, il t’attend au fond de la cave !!! 😊

  14. Merci Lili pour tes bons conseils. J’ai fait un atelier d’écriture il y a quelques années et j’ai adoré ça. Ça m’a rappelé les rédactions qu’on faisait à l’école.

  15. Coucou, le cahier est tellement enfoui au fond de cette cave, qui me sert de débarras, qu’il me faudra des années pour le retrouver. Peut-être que les rats l’ont mangé. Bises à toi.

  16. bonjour tous lesdeux,
    ce que j’aime (m’)écrire ce sont des mélodies, souvent douce-amères sur des textes en vers libres, de moi ou d’autres (p.ex. j’ai fait un truc sur un texte de Paul Celan apprécié par un prof de piano -poli-), p.ex, sur ceci :
    début {{{
    Courir courir courir?

    Le bonheur qui vient qui va
    Là où on ne l’attend pas
    Il est par ici
    Il est par là
    Le bonheur ? il est dans tes yeux
    Tes yeux qui sourient
    Devant l’inconnu
    Qui sourient de tes habitudes,
    De tes coutumes et de tes tics

    Le bonheur qui fuit
    Ne se laisse connaître
    À qui le cherche
    Qui touche qui le fuit
    Mais s’en retourne, vexé

    Le bonheur te suit pas à pas
    Ne le cherche pas, accepte
    Que ce soit toi

    Le bonheur est dans tes bras
    Qui le bercent
    Dans tes mains qui le façonnent
    Sans le vouloir

    Le bonheur est dans tes yeux
    Qui me regardent et qui rient
    Dans tes bras qui s’ouvrent
    Et m’accœuillent
    }}} fin
    WAM Loki-Tamarin – zu “Neue Leben ADN” – 20221007

    avec plein de dièses ou de bémols en dehors de la gamme théorique, déterminée après coup, ou n’existant dans aucune culture connue

    merci pour vos partages

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